comment prendre et relâcher une truite : les recommandations

Attraper et relâcher une truite avec efficacité : les bonnes règles du no-kill

Les bonnes règles du no-kill 

Pêcheur depuis plus de 40 années, j’ai passé ces 20 dernières années à encadrer la pratique de la pêche en tant que moniteur-guide de pêche, d’abord à destination des jeunes, et depuis 2004 principalement à destination des adultes.
Durant toutes ces années, le mot d’ordre fixé a été d’apprendre à pêcher à tous mes stagiaires et les faire progresser. Mais aussi les sensibiliser au caractère fragile des milieux aquatiques et respecter les poissons attrapés car relâchés après capture.
Attraper un poisson n’est pas toujours facile pour un débutant et les conseils souvent utiles pour arriver à ses fins. Idem pour relâcher un poisson dans de bonnes conditions.

Je vais être honnête, il m’est arrivé de me retrouver dans des situations où j’ai douté des chances de survie d’un poisson relâché par mes stagiaires. Ou bien, obligé d’assister à l’agonie d’un poisson remis dans son élément après l’épreuve du stress et les contraintes de la capture. Moi même j’ai appris au fil du temps sur ma façon de faire. Heureusement, ces « accidents » restent rares et je m’efforce pour qu’ils le restent. 

Les causes d’une mortalité

Les causes peuvent être différentes et peuvent venir de l’acte de pêche, de la blessure causée par l’hameçon, de la manipulation du poisson après sa capture, d’une relâche mal opérée ou bien d’une combinaison de ces différentes opérations.
C’est pourquoi, il m’est venu l’idée de rédiger un article regroupant quelques conseils pour attraper et relâcher une truite avec efficacité.

La graciation, traduction faîte du terme anglo-saxon bien connu « no-kill », devient un acte de plus en plus fréquent dans les rangs des pêcheurs de loisir. La technologie ayant mis au point les appareils photo numériques compact et bon marché au début des années 2000, puis les téléphones dotés de capteurs photo performants, il est maintenant plus facile de garder un souvenir de ses instants de pêche et de ses prises. Sans pour autant sacrifier une truite juste par désir de la montrer à son entourage. L’heure est à la pêche récréative, un passe temps plus qu’un acte de cueillette comme cela a pu l’être il y a de cela une ou deux générations. 

Le pêcheur s’épanouit au contact de la nature et de l’eau qui court. Il se régénère. Mais en bon prédateur, il cherche à comprendre ce qu’il se passe sous le miroir, à découvrir chaque secret du poisson sauvage qui séjourne là. Et le défi devient très vite d’attraper une truite fario sauvage.
La truite fario est pour le coup un poisson bien malicieux, craintif, qui connaît les dangers venant de cet homosapien se promenant sur la berge paré de sa plus belle panoplie.
Peut-être a-t-elle déjà connu la mésaventure d’une ligne et d’un appât piégé? Peut-être a-t-elle déjà était gracié ou remise à l’eau parce que trop jeune? Par instinct de survie, elle mémorise et sait se mettre en alerte dés qu’elle perçoit un risque connu ou inconnu.
La truite fario fait partie de ces espèces très convoitées par le pêcheur moderne et de multiples techniques de pêche ont été élaborées pour la capturer et ne cessent d’évoluer.

L’esprit étant de remettre le poisson à l’eau après capture, il est bien dommage de se satisfaire de cette finalité sans se soucier des séquences qui suivent le ferrage. Être plus regardant sur les différents étapes, de la capture jusqu’à la remise à l’eau, est un gage de réussite dans la survie du poisson gracié.
Je vais donc passer en revue quelques conseils qui, à mon sens, permettront à chacun d’être plus vigilant et efficace à l’avenir dans son mode opératoire. Et ainsi accentuer la probabilité de laisser vivre une truite après relâche.

Voici une liste des bonnes règles pour réaliser un no-kill propre :

Conseils pour attraper une truite

Avant d’attraper une truite, il faut bien entendu déclencher la touche. Ici, je ne vous apprendrai pas comment faire, d’autres articles y répondent. Par contre, mon premier conseil est de vous inciter à ferrer instantanément si vous en touchez une, de surcroît si l’on pêche aux appâts naturels. De ce fait, on évite généralement l’engammage. L’hameçon est dés lors piqué sur la partie avant de la bouche, plus facile à décrocher que s’il a atteint l’arrière bouge et le tube de l’œsophage. Une pince peut aider à décrocher et à récupérer son hameçon rapidement. Le problème ne se pose pas si l’on emploie des hameçons sans ardillons. Une bascule de 90 à 180° suivi d’une légère poussée inverse au poisson libère en moins de deux votre hameçon.

Le meilleur endroit où l’on peut retrouver l’hameçon planté reste le bord de bouche. Cette partie cartilagineuse n’est pas pourvu de nerfs et évite de la souffrance au poisson. De plus, elle n’est pas irrigué par le système sanguin, donc pas de risque de saignement.
Si l’hameçon est pris plus à l’intérieur, sur le palais par exemple, il est préférable de le retirer avec une pince à becs longs plutôt qu’avec un dégorgeoir. On est bien plus précis, le dégorgeoir doit être employé en poussée interne tout en suivant le fil pour atteindre l’hameçon. Et si son embout est trop fort, il cause inévitablement des blessures dans l’arrière gorge du poisson lors des tentatives de décroche. À éviter donc.

Si, l’hameçon est pris plus profondément, a été avalé ou s’est piqué dans les arcs branchiaux (rare), il ne faut pas tergiverser et couper la ligne. Le poisson aura une chance bien meilleure de s’en sortir et il arrive parfois qu’il réussisse à expulser l’hameçon et le bout de crin au bout de quelques temps.

Dés le ferrage, le poisson se met en stress. Il est recommandé de raccourcir le combat pour éviter l’épuisement. Un pêcheur confirmé sera plus à l’aise dans la méthode. La limite entre trop en faire et pas assez ne s’acquiert qu’avec le temps et l’expérience. 
Il est fréquent que le poisson, dés qu’il se sente piégé, parte à l’opposé du sens de ferrage. Laissez-le partir ! Un frein de moulinet bien réglé évite la casse.

Après avoir tout tenté pour se libérer, le poisson va se calmer . C’est à ce moment qu’il faut commencer la récupération, de préférence en étant face ou en aval de sa position dans la rivière, pour mieux le dompter et le ramener à soi.
Ne pas hésiter à se replacer pour se donner le maximum de chances de le capturer. S’il repart violemment, réitérer. Si son énergie est modérée, il faut dés lors récupérer la ligne et le ramener.

Astuce !
Une astuce pour raccourcir le combat est d’incliner la canne lors du combat pour que le poisson reste dans la couche inférieure de la rivière afin d’éviter la poussée des flots de surface. Il sera alors plus facile pour vous de le ramener à proximité. Gain de plusieurs secondes assuré !

Une fois à portée de canne, il est temps de relever la canne et de le capturer. Soit à la main si le poisson est modeste, soit grâce à une épuisette si le courant est violent et/ou le poisson de belle taille.
Un matériel adapté aide énormément dans l’abrègement d’un combat. Une canne avec une bonne réserve de puissance (qui ne se tord pas jusqu’au liège à la première traction) sera votre meilleure alliée. Retenons qu’un combat inutilement prolongé peut mener à l’épuisement total du poisson.

Conseils pour bien manipuler une truite

Le truite est capturée. Suivant la situation, elle est tenue entre nos mains ou réservée dans notre épuisette maintenue dans l’eau.
Autant que faire se peu, il est préférable d’opérer en utilisant ses mains en ayant pris le temps de les mouiller avant saisie. La raison ? Quel que soit le filet d’épuisette utilisé, son contact avec la surface de la peau enlève systématiquement partie du mucus censé protéger le poisson des maladies et champignons.

  • Prise avec les mains :

Se mouiller les mains est la première chose à faire pour ne pas altérer le mucus. Réduire le temps passé hors de l’eau est aussi important. L’exposition à l’air stresse un peu plus le poisson et augmente son rythme cardiaque. Il n’est plus en capacité de respirer et s’asphyxie lentement.
J’ai remarqué qu’après environ 10 secondes, le poisson se débattait. J’en ai conclu que c’est le temps maximal où le poisson accepte d’être porté hors de l’eau avant de se retrouver en apnée. Si le décrochage n’a pu être effectué dans ce laps de temps, il faut remettre le poisson dans l’eau immédiatement, le laisser reprendre sa respiration durant plusieurs secondes, ce qui va le calmer, pour tenter une nouvelle fois un décrochage. Ce temps permet de réfléchir et de décider comment opérer efficacement au second essai.

L’erreur à ne pas commettre (et encore trop fréquente) est de serrer le poisson lorsqu’il se débat. Serrer fort un poisson et il bougera encore plus. Il exprime là sa détresse, il faut le comprendre. Certainement a-t-il passé trop de temps à l’extérieur de l’eau…
Si on serre, notre main étant souvent positionnée derrière la tête et les nageoires pectorales, elle compresse toute l’anatomie interne du poisson pas préparé à cela. Cœur, foie, estomac, vésicule biliaire et rate sont positionnés dans cette zone. Imaginez ce que la pression d’une main peut occasionner comme dommage sur ses organes vitaux… Donc veillons à rester doux dans la prise en main.

Autre mesure, tenir compte du différentiel de température entre l’air et l’eau. La truite étant un animal à sang froid, elle n’est pas prête à subir un choc thermique. La sortir d’une eau froide ou tempérée pour la manipuler dans un air brûlant de l’été peut choquer voire causer une crise cardiaque.
De plus, dés que la température de l’eau est supérieure à 18 °C, la truite adopte un comportement de stress. Elle est déjà fragilisée et une mauvaise manipulation fortuite pourrait vite la condamner. À contrario, par temps de pluie et temps doux, le poisson supporte mieux les manipulations sorti de son élément.

  • Prise avec une épuisette :

Dans le cas de figure où le poisson est de belle taille, ou qu’il est pris alors que notre positionnement se révèle être délicat, au milieu des flots puissants par exemple, alors l’utilisation de l’épuisette est préférable. Elle nous rassure et assure la capture. Une fois le poisson glissé dans la filoche, il faut éviter de lever l’épuisette hors d’eau. On dispense alors au poisson de se débattre et de se frotter aux mailles du filet. L’emploi d’épuisette avec filet en plastique type rubber est préférable. Les filets composés de nylon sont bien plus abrasifs et peuvent retirer partie du mucus du poisson à son contact.

Si possible, décrocher le poisson en le gardant dans l’épuisette immergée. Comme il n’est plus combattu, il va légèrement déstresser et récupérer. Ne pas attendre trop non plus pour le décrocher, il vaut mieux qu’il soit encore un chouia fatigué que prêt à repartir. Plus facile pour le saisir et ôter l’hameçon. Si cela n’est pas possible de le décrocher dans l’épuisette, reprendre les recommandations citées ci-dessus relatives à la prise avec les mains.

  • Séquence souvenir :

Un beau poisson mérite d’être immortalisé par une photo. Qui ne l’a jamais fait ? Bien sûr, dans la mesure du raisonnable. La plupart des APN (appareils photo numériques) et téléphones portables sont maintenant équipés du mode rafale. Une bonne chose pour tirer le portrait rapidement sans perdre de temps. Et en ayant l’assurance de sortir au moins une photo correcte dans le lot. 
Durant cette séance, qui devra être la plus courte possible, penser à être dans l’eau et si possible fléchi ou accroupi pour éviter le drame en cas de lâcher prise.
La présentation du poisson peut être faîte à fleur d’eau (recommandée et esthétique) ou soulevé en premier plan. Dans ce cas, il faut veiller à soutenir par dessous le poisson sur un plan horizontal. Deux points de maintien avant et arrière assurés par les mains sont préférables dans le cas d’un poisson trophée. Et ne pas oublier de sourire 🙂 

À proscrire absolument !
Les poissons posés sur le sol, les poissons posés dans la neige, maintenus avec des mains sèches, maintenus hors de l’eau trop longtemps, tenus en dessus d’un sol dur qui en cas de chute pourrait engendrer un traumatisme irréversible, relâchés en jetant ou en laissant tomber, serrés trop fortement dans les mains, tenus avec un chiffon, pendus verticalement dans le vide, soumis à un choc thermique eau/air, les séances photo trop longues, les doigts mal placés dans les yeux ou sous l’opercule au contact des branchies entre autres…

Parenthèse sur le saignement

Il peut arriver de piquer le poisson sur une partie de l’arrière bouche irriguée par le sang. Et bien sûr, causer un saignement. Dans la mesure où la truite n’est pas hémophile, si la blessure est bénigne, elle devrait rapidement coaguler et donc cicatriser.
Reste le problème d’atteinte aux arcs branchiaux. Bien que rare, il est dans ce cas moins probable que le poisson survive à cette lésion. Même si pas impossible. À chacun de voir si la remise à l’eau est dans ce cas justifiée. Si le poisson est maillé et que la zone de pêche permet le prélèvement, autant le sacrifier et lui faire honneur en le dégustant au prochain repas.

Conseils pour relâcher avec efficacité

Il temps de rendre la liberté au poisson capturé. Quelques recommandations pour s’assurer que tout va bien se finir. Bien sûr, ne pas laisser tomber de haut le poisson si on l’a extrait de l’eau. L’amener délicatement dans son élément et bien le maintenir dans une position à contre courant en s’assurant que la tête est immergée entièrement. Choisissez une zone soumise au courant sans qu’elle ne soit trop rapide.

Les mouvements d’aller-retour ne sont pas obligatoires, sauf si vous opérez dans une zone calme. Le mouvement arrière étant lent car c’est uniquement le mouvement avant qui bénéficie à la truite dans sa respiration.

 

Schéma qui explique la respiration de la truite

Enlever les doigts des opercules pour qu’il puisse reprendre une ventilation normale et attendre qu’il reprenne un rythme cardiaque lui permettant de à nouveau fournir un effort et gagner le large. Vous sentirez que c’est le bon moment quand il commence à actionner ses muscles et ses nageoires. Et s’il part comme une fusée dans l’instant, c’est bon, vous pouvez vous féliciter de ne pas avoir trop traumatisé le poisson entre capture et relâche. À contrario, s’il reste longtemps à vos côtés, s’il se met sur le ventre ou s’il saigne, quelque chose a cloché et aurait pu être mieux fait sur cette prise. À chacun d’analyser l’erreur qui a pu être commise et d’en retenir la leçon pour la prochaine fois !

Relâche d'une truite fario après capture. Photo de remise à l'eau

Conclusion :

La manipulation est à réduire à son maximum sous peine d’impact négatif sur le poisson. La mortalité causée par la pratique de la remise à l’eau est souvent sous-estimée. Les règles énoncées ci-dessus sont à même de réduire des cas de mortalité, invisibles pour la plupart immédiatement après relâche. J’en ai probablement oublié quelques autres importantes… À vous de les rajouter ou de me les communiquer pour enrichir l’article.
Grâce à ses recommandations sur le no-kill, vous serez maintenant incollables sur les étapes permettant d’attraper et de relâcher une truite avec efficacité.

À bientôt pour un nouvel article.
Lionel ARMAND

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8 réflexions sur “Attraper et relâcher une truite avec efficacité : les bonnes règles du no-kill”

  1. Merci pour cet excellent article – j’ai appris beaucoup!
    Je suis très fière d’avoir attrapé ma première grande truite aujourd’hui.
    Par contre, j’ai fait plein d’erreurs en la manipulant et j’avoue que ça l’a presque coutée la vie.
    Trop longtemps hors de l’eau, tenue verticalement, trop serrée, serviette sèche pour la tenir… Heureusement je l’ai pu ressusciter dans l’épuisette, mais ça ne m’a pas du tout plu et je suis très content d’avoir trouvé votre article!

  2. Bonjour,

    Merci pour cet article instructif et agréable à lire.. Ces considérations me semblent essentielles lorsqu’on décide de relâcher un poisson. Je voudrais y ajouter une autre astuce: lorsqu’on tient le poisson avec la (les) main(s) au moment de le décrocher, si sa taille/vigueur le permet, on peut le prendre par le dos et le tenir ventre au-dessus. On évite de compresser les organes fragiles et le poisson ainsi renversé reste immobile. À essayer !

    Merci et au plaisir

  3. Bonjour. Pêcheur très occasionnel, j’entends pas mal de théories sur le temps que met un hameçon pour se « désintégrer », une fois le fil coupé, dans la bouche/gueule d’une truite ou d’un brochet. Quelqu’un peut-il me répondre?
    Merci et bel été!
    Marcel Roulin
    Autigny – Fribourg – Suisse

    1. Cela dépend je serai tenté de répondre…
      Parfois la truite se libère de l’hameçon très rapidement.
      Parfois elle vit avec toute sa vie.

      Pour la truite, en général, si on ferre à la touche (quelque soit la technique), le poisson n’engame pas et est pris au bord de la bouche dans le cartilage.
      Sinon, je considère que si elle a engamé, le pêcheur a commis une erreur de pêche et n’a pas ferré au bon moment.

      Pour le carnassier comme le brochet), cela peut être différent puisqu’il aspire.

      Au plaisir.

  4. Merci beaucoup pour cet article, étant pêcheur je relâche toujours les truites sauf quand elles ont une belle taille, et je n’avais pas conscience de tous ces facteurs de stress pour les poissons, je ferais attention maintenant.

    1. Content que cet article ait pu vous servir et vous apprendre des choses.
      Une remarque sur les captures que vous conservez. Les meilleurs reproducteurs sont généralement âgés de 3 ans. Mais à 4 ou 5 ans, même s’ils le sont un peu moins, ils sont encore efficaces et participent à la régénération des cohortes.
      Pour la femelle, il faut considérer la quantité d’œufs déposés lors d’une ponte.
      Par exemple, on sait qu’une truite dépose 2000 œufs par kilo de poids en moyenne.
      Un sujet femelle d’1kg déposera donc 2000 ovocytes lors du frai et saura creuser et nettoyer une frayère bien mieux qu’une petite truite de 300g.
      Donc l’un dans l’autre, vaut-il mieux sacrifier une belle truite qu’une petite truite…
      Personnellement, je préfère sacrifier une petite plutôt qu’une belle (dans les rares cas où je décide de conserver).
      C’est à chacun de décider mais c’est bon de le savoir.
      Un vieux sujet peut apporter encore beaucoup à une rivière… Sauf s’il atteint un âge supérieur à 6 ou 7 ans, mais cela reste relativement rare sur les zones à prélèvement.
      Au plaisir.

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